2014
XVIème siècle
La littérature du XVIème siècle est marquée par de nombreux auteurs dont le but est de faire de la langue française une grande langue littéraire. Ce siècle voit le début de la Renaissance à travers l’Europe. C’est une période d’aspirations nouvelles dans de nombreux domaines. La littérature n’y fait pas exception avec l’invention de l’imprimerie par Gutenberg ainsi que le soutien de rois tels que François Ier envers les écrivains. Ce siècle permet de donner un nouveau souffle à la poésie.
Durant ce siècle, un nouveau mouvement littéraire se développe: la Pléiade. Ce mouvement rassemble de nombreux poètes tels que Du Bellay, des Autels, de Tyard et Dorat autour de Pierre de Ronsard. La Pléiade défend la littérature antique ainsi que les valeurs culturelles de la langue française. Les poètes imposent l’alexandrin et le sonnet comme les formes poétiques majeures. Ce mouvement veut faire de la langue française une grande langue de littérature.
Nous allons étudier plus en détail Joachim du Bellay ainsi que ses œuvres principales. Joachim du Bellay naît dans la région d’Angers vers 1522. Il y passe son enfance. À la mort de ses parents alors qu’il est encore enfant, il est laissé à la garde de son frère ainé qui néglige totalement son éducation. Il part étudier à Paris en 1547 où il se lie d’amitié avec Ronsard avec qui il forme le courant littéraire de la Pléiade. Il publie de nombreuses œuvres, les principales étant « Défense et Illustration de la langue française » (1549), Les Antiquités de Rome, Les Divers Jeux Rustiques et Les Regrets (1558). Il s’éteint subitement en 1560.
"Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage"
Malheureusement à travers ce poème, on remarque que du Bellay ne profite pas de ce voyage mais le vit comme une épreuve. Il n’aspire à qu’une chose : rentrer chez lui. Le poète est casanier et ne supporte plus l’éloignement de son petit village. On se sent aussi touché par son désir d’intimité quand il nous décrit sa chaumière ainsi que la fumée qui s’échappe de la cheminée. Contrairement aux héros antiques, il ne profite pas du moment mais subit le voyage.
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage »
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.
Joachim du Bellay, XVIème siècle
XVIIIème siècle
Le mouvement des Lumières se développe au début du XVIIIème siècle sous l’impulsion de philosophes comme Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot.... Ceux-ci ont confiance dans le pouvoir de la raison humaine. Ils pensent l’Homme capable d’utiliser sa raison afin de se sortir des préjugés et de l’intolérance pour progresser. Ils se concentrent tous sur un même sujet : la remise en question des structures politiques et des systèmes de valeurs traditionnelles. Leurs idées sont diffusées à travers de nombreux salons littéraires ou de cafés où les élites sociales se rencontrent et discutent. Les philosophes veulent partager et rassembler leurs connaissances. C’est pourquoi Diderot et D’Alembert rédigent L’Encyclopédie entre 1751 et 1772. Le genre littéraire principal change. Les auteurs préfèrent utiliser des dictionnaires, des essais ou des lettres plutôt que des poèmes afin de transmettre leurs idées plus clairement. Ce mouvement inspire de nombreuses révolutions comme la Révolution Française de 1789.
Nous allons étudier un auteur de poésie du siècle des Lumières : Jean-Pierre Claris de Florian. Florian naît en 1755 dans les Basses Cévennes au sein d’une famille noble et de tradition militaire. Mais il choisit une carrière dans la littérature durant laquelle il devient le protégé de Voltaire, un allié de sa famille. Il s’inspire donc de son protecteur et fait parti du mouvement des Lumières. Il est reconnu pour ses talents de fabulistes. Les siennes étant considérées les meilleures après celles de la Fontaine, la référence dans la matière. Il entre à l’Académie Française en 1788 mais meurt quelques années plus tard en 1794 suite à la captivité qu’il subit durant la Révolution. Son œuvre est principalement constituée de fables.
"Le voyage"
Contrairement à la Fontaine, Claris de Florian n’utilise pas d’animaux pour représenter les différents personnages mais décrit l’homme et sa vie de manière implicite. Il donne une vision pessimiste de la vie durant laquelle l’homme subit les évènements plutôt que de les engendrer par lui-même. Le dernier vers de la fable est plein d’humour. En effet, Florian écrit durant le mouvement des Lumières qui s’oppose aux traditions religieuses. Le fait qu’il mentionne « la volonté de Dieu » à la fin de sa fable sur le voyage de la vie est perçu comme une attaque directe à la religion et à ses croyances sur le contrôle que Dieu peut avoir sur les hommes. Cette pique envers la religion est caractéristique du mouvement des Lumières.
« Le voyage »
Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte,
Sans songer seulement à demander sa route ;
Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi,
Faire un tiers du chemin jusqu'à près de midi ;
Voir sur sa tête alors s'amasser les nuages,
Dans un sable mouvant précipiter ses pas,
Courir, en essuyant orages sur orages,
Vers un but incertain où l'on n'arrive pas ;
Détrempé vers le soir, chercher une retraite,
Arriver haletant, se coucher, s'endormir :
On appelle cela naître, vivre et mourir.
La volonté de Dieu soit faite !
Jean Pierre Claris de Florian, XVIIIème siècle
XIXème siècle
Le romantisme est un mouvement littéraire qui laisse place à l’expression des sentiments et des sensations. Il met en valeur l’individu, le « moi ». Le romantisme abolie les règles strictes de la littérature classique. Il favorise les libertés qu’elles soient sur le fond ou sur la forme. Ce mouvement trouve son origine dans la publication de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui revendique la singularité ainsi que l’originalité de chaque individu. À travers ce mouvement de nombreux thèmes reviennent dans la poésie tels que l’amour malheureux ainsi que les décors ayant pour but le dépaysement du lecteur. Les principaux acteurs de ce mouvement sont Victor Hugo (le chef de fil) ainsi que Gautier, de Nerval, Baudelaire et Dumas. Mais le romantisme n’est pas le seul mouvement du XIXème. Un autre mouvement prend de l’importance : le réalisme.
Le réalisme s’oppose au romantisme. Le réalisme, lui, veut faire de la littérature le reflet de la réalité en dépeignant la société et non pas les sentiments de l’auteur. Le réalisme veut représenter le quotidien, le banal sans essayer de ternir ou d’embellir la réalité. De nombreux auteurs célèbres font partis de ce mouvement comme Balzac, Sand, Stendhal ou encore Maupassant. Mais aucun de leurs poèmes n’est laissé à la postérité car ils refusent tous cette étiquette. Le genre principal est le roman mais quelques poèmes sont tout de même écrits durant cette période. Au final ce mouvement est considéré un échec de par sa simplicité de doctrine ainsi que par l’absence de chef de fil. Il est cependant suivi par le naturalisme de Zola.
Nous allons étudier plus particulièrement les poètes romantiques Victor Hugo, Gérard de Nerval et Charles Baudelaire et l’écrivain réaliste Guy de Maupassant.
Victor Hugo fait parti des plus grands écrivains et poètes français de tout les temps. Il naît en 1802 et affirme très tôt son souhait d’être écrivain. En 1816, il annonce : « Je veux être Chateaubriand ou rien ! ». Cela reste comme une de ses citations majeures. Jeune, Victor Hugo défend la monarchie mais sa liaison avec Juliette Drouet provoque de nombreux changements. Il change de philosophie et devient chef de fil du mouvement du romantisme. Sa notoriété grandit rapidement et il est admis à l’Académie Française en 1841. La perte de sa fille Léopoldine le traumatise et il semble chercher l’apaisement en s’engageant en politique en tant que républicain. Il n’a pas peur d’afficher ses idées politiques et s’oppose à Napoléon III. Il est exilé durant 20 ans pour son hostilité envers le régime de l’époque. C’est durant cette période qu’il produit ses œuvres principales comme Les Contemplations (1856) ou Les Misérables (1862). A son retour, il est acclamé comme le symbole des républicains et consacre le reste de sa vie à la politique et moins à la littérature. Il décède en 1885 et est enterré au Panthéon.
Né Gérard Labrunie en 1808, Gérard de Nerval se fait connaître très jeune dans le monde de la littérature en traduisant « Faust » de Goethe. Cette traduction est applaudie par les lecteurs et par Goethe lui-même. Plus tard, il tombe amoureux de Jenny Colon mais celle-ci décide d’épouser un autre homme et meurt quelques années plus tard (1842). Cette expérience le traumatise à vie. Il est donc envoyé plusieurs fois en centres psychiatriques. C’est durant cette période qu’il produit la majorité de ses œuvres comme « Les chimères » en 1854. En 1855 sa démence l’amène à se donner la mort par pendaison.
Charles Baudelaire naît en 1821 mais subit une enfance difficile. Il est révolté par le remariage de sa mère en 1828, un an après le décès de son père. Il éprouve les plus grandes difficultés à s’entendre avec son beau-père. Il mène donc une vie dissipée dans la bohème littéraire du quartier latin de Paris. Pour le sortir de cette vie, sa famille décide de l’emmener à bord d’un voilier en partance pour les Indes mais il revient à Paris dix mois plus tard. Il est marqué par cette expérience car de nombreux poèmes parlent de thèmes du voyage comme « L’albatros » ou « L’invitation au voyage ». Il est aussi fortement influencé dans son œuvre par ses relations amoureuses. Son œuvre principale Les fleurs du mal est publiée en 1857 mais il doit retirer certaines pièces de son ouvrage car elles sont jugées immorales. Quelques années plus tard il tombe malade et abuse de l’opium. Il meurt seul en 1867. Durant sa carrière d’auteur Baudelaire participe à plusieurs courants littéraires comme le parnasse et le symbolisme mais est aussi actif dans le romantisme.
Guy de Maupassant naît dans une famille normande en 1805. Durant son adolescence il étudie au séminaire de Yvetot et au lycée de Rouen où il écrit ses premiers vers. Après la fin de ses études Maupassant prend part à la guerre de 1870. Il entame après cette guerre une carrière administrative mais la quitte en 1880 pour se consacrer à l’écriture lorsqu’il apprend sa maladie, la syphilis. Il devient le protégé de Gustave Flaubert, un vieil ami de sa mère, qui le présente à de nombreux auteurs comme Zola. Maupassant est surtout connu pour ses romans réalistes comme Boule de Suif ou Bel-Ami mais il écrit tout de même quelques poèmes comme « Les oies sauvages ». Il meurt en 1893.
"Demain dès l'aube"
A travers ce poème on voit apparaître deux types de voyages ou d’itinéraires : le premier est le voyage au sens premier du terme et le deuxième est intellectuel et sentimental. Cette différence entre ces deux voyages revient couramment dans la poésie dédiée à ce sujet.
« Demain dès l’aube »
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo, XIXème siècle
"Le relais"
Gérard de Nerval nous donne aussi une description de la nature dans laquelle se déroule son voyage. Cette description précise et visuelle nous donne une idée de son lieu de repos idéal.
« Le relais »
En voyage, on s'arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l'aventure,
Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,
L'œil fatigué de voir et le corps engourdi.
Et voici tout à coup, silencieuse et verte,
Une vallée humide et de lilas couverte,
Un ruisseau qui murmure entre les peupliers,
- Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !
On se couche dans l'herbe et l'on s'écoute vivre,
De l'odeur du foin vert à loisir on s'enivre,
Et sans penser à rien on regarde les cieux...
Hélas ! une voix crie : "En voiture, messieurs !"
Gérard de Nerval, XIXème siècle
"L'invitation au voyage"
Encore une fois, ce poème permet une évasion par l’esprit plutôt que par le corps. Baudelaire ne pouvait ou ne voulait pas voyager physiquement, il utilise donc la poésie pour faire voyager son esprit. Ceci est assez clair dans ce poème car les descriptions du paysage faites sont idéalistes et représentent le rêve de l’auteur. L’aspect d’invitation à un voyage met en valeur le voyage de l’esprit car le poète veut entrainer la femme aimée dans sa propre rêverie.
« L’invitation au voyage »
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Charles Baudelaire, XIXème siècle
"Les oies sauvages"
« Les oies sauvages »
Tout est muet, l'oiseau ne jette plus ses cris.
La morne plaine est blanche au loin sous le ciel gris.
Seuls, les grands corbeaux noirs, qui vont cherchant leurs proies,
Fouillent du bec la neige et tachent sa pâleur.
Voilà qu'à l'horizon s'élève une clameur ;
Elle approche, elle vient, c'est la tribu des oies.
Ainsi qu'un trait lancé, toutes, le cou tendu,
Allant toujours plus vite, en leur vol éperdu,
Passent, fouettant le vent de leur aile sifflante.
Le guide qui conduit ces pèlerins des aires
Delà les océans, les bois et les déserts,
Comme pour exciter leur allure trop lente,
De moment en moment jette son cri perçant.
Comme un double ruban la caravane ondoie,
Bruit étrangement, et par le ciel déploie
Son grand triangle ailé qui va s'élargissant.
Mais leurs frères captifs répandus dans la plaine,
Engourdis par le froid, cheminent gravement.
Un enfant en haillons en sifflant les promène,
Comme de lourds vaisseaux balancés lentement.
Ils entendent le cri de la tribu qui passe,
Ils érigent leur tête ; et regardant s'enfuir
Les libres voyageurs au travers de l'espace,
Les captifs tout à coup se lèvent pour partir.
Ils agitent en vain leurs ailes impuissantes,
Et, dressés sur leurs pieds, sentent confusément,
A cet appel errant se lever grandissantes
La liberté première au fond du cœur dormant,
La fièvre de l'espace et des tièdes rivages.
Dans les champs pleins de neige ils courent effarés,
Et jetant par le ciel des cris désespérés
Ils répondent longtemps à leurs frères sauvages.
Guy de Maupassant, XIXème siècle
XXème siècle
Le surréalisme naît dans les années 1920 autour de fortes personnalités comme André Breton, Philippe Soupault, Paul Eluard et Louis Aragon. Le premier texte surréaliste est écrit par André Breton en 1924 et s’intitule le Premier Manifeste du surréalisme. Celui-ci s’appuie sur les théories freudiennes et l’inconscience du cerveau humain. L’objectif du surréalisme est de libérer l’inconscient et de faire appel à l’imagination pour créer de nouvelles expressions artistiques. Le surréalisme veut aussi se révolter contre les valeurs de la bourgeoisie car selon certaines personnes ce sont ces valeurs qui ont rendu la Première Guerre Mondiale possible. On remarque donc que la guerre de 1914-1918 a une grande influence sur la littérature de l’époque. Ce mouvement est aussi engagé en politique. À son début il se rattache au marxisme mais Breton se rend rapidement compte que le communisme est incompatible avec la liberté prônée par son mouvement. Le mouvement éclate à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale mais il a une grande influence sur un mouvement de l’après guerre : l’Absurde.
Nous allons étudier plus en détail deux auteurs surréalistes : Blaise Cendrars et Philippe Soupault.
Soupault naît au sein de la bourgeoisie parisienne en 1897 mais il s’oppose très rapidement à leurs valeurs. Il est d’abord très influencé par le mouvement dadaïste. Il fait ensuite la connaissance d’André Breton et de Louis Aragon avec qui il fonde le mouvement surréaliste. Ensemble ils créent une revue littéraire surréaliste Littérature dans laquelle il publie le recueil de poèmes Champs Magnétiques. Il participe activement dans ce courant littéraire mais le quitte quelques temps plus tard pour cause de désaccords politiques. Il décide alors d’accomplir de nombreux voyages et s’attelle à la rédaction de nombreux romans. Il meurt en 1990.
Blaises Cendrars naît en 1887 sous le nom de Frédéric Louis Sauser en Suisse. Il est passionné de voyage et son œuvre est donc largement influencé par ses expériences à l’étranger. Un de ses poèmes les plus connu La prose du Transsibérien publié en 1913 s’inspire de son propre voyage dans cette région du monde. En 1914 lorsque la guerre éclate il décide de s’engager comme volontaire étranger dans l’armée française mais il perd au combat, en 1915, sa main d’écrivain, la droite. Cette blessure marque particulièrement son œuvre car cette identité de gaucher lui fait changer son rapport à l’écriture. Il est naturalisé français un an plus tard en 1916. Il participe au mouvement surréaliste car il se mêle chez lui une volonté de créer une légende ou l’imaginaire se mêle au réel de façon inextricable. Il décède en 1961.
"Westwego"
« Westwego »
Étrange voyageur sans bagages
je n'ai jamais quitté Paris
(…)
je suis assis à la terrasse d'un café
et je souris de toutes mes dents
en pensant à tous mes fameux voyages
je voulais aller à New York ou à Buenos Aires
connaître la neige de Moscou
partir un soir à bord d'un paquebot
pour Madagascar ou Shanghai
remonter le Mississipi
je suis allé à Barbizon
et j’ai relu les voyages du capitaine Cook
et ce soir je souris parce que je suis ici
Philippe Soupault, XXème siècle
"La prose du transsibérien"
Son poème « La prose du transsibérien » en est l’exemple parfait puisqu’il raconte son propre voyage en Russie après sa fugue de Paris. Ce poème nous donne à la fois son point de vue sur le voyage et sur le monde de l’époque. Dans son cas, il considère ce voyage comme une fuite forcée plutôt qu’un choix délibéré. Sa description de Paris nous démontre bien cela. En plus de raconter ce voyage, il nous donne aussi son point de vue sur la modernité qui apparaît au XIXème siècle avec la révolution industrielle notamment.
« La prose du transsibérien »
(Extrait)
Je suis en route
J'ai toujours été en route
Je suis en route avec la petite Jehanne de France
Le train fait un saut périlleux et retombe sur toutes ses roues
Le train retombe sur ses roues
Le train retombe toujours sur toutes ses roues
" Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre? "
Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept jours
Tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t'a nourrie, du
Sacré-cœur contre lequel tu t'es blottie
Paris a disparue et son énorme flambée
Il n'y a plus que les cendres continues
La pluie qui tombe
La tourbe qui se gonfle
La Sibérie qui tourne
Les lourdes nappes de neige qui remontent
Et le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans le ciel bleui
Le train palpite au cœur des horizons plombés
Et ton chagrin ricane...
" Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre? "
Les inquiétudes
Oublie tes inquiétudes
Toutes les gares lézardées obliques sur la route
Les fils télégraphiques auxquels elles pendent
Les poteaux grimaçants qui gesticulent et les étranglent
Le monde s'étire s'allonge et se retire comme un harmonica
qu'une main sadique tourmente
Dans les déchirures du ciel, les locomotives en furie
S'enfuient
Et dans les trous,
Les roues vertigineuses les bouches les voix
Et les chiens du malheur qui aboient à nos trousses
Les démons sont déchaînés.
Ferrailles
Tout est un faux accord
Le broun-roun-roun des roues
Chocs
Rebondissements
Nous sommes un orage sous le crâne d'un sourd...
Blaise Cendrars